
11 Jan Agriculture vivrière menacée, les paysans en paient les pots cassés.
C’est une évidence, Rumonge est de loin la première commune cultivatrice du palmier à huile au Burundi. Il occupe une grande étendue des terres cultivables et continue de gagner du terrain (selon les chiffres, il fournit plus de 80 % de l’huile de palme burundaise) ce qui diminue l’espace pour les plantes vivrières qui font vivre les paysans. Témoignages.
C’est une réalité cousue de fil blanc, l’expansion des plantations de palmiers à huile dans la commune Rumonge ne cesse d’aller crescendo. Les paysans sont donc obligés d’associer leurs plantes vivrières avec ce dernier faute d’espace cultivable suffisante. Malheureusement, la culture associée ne s’applique pas au palmier à huile. Par conséquent, ils en tirent peu ou presque pas de production agricole. Mais, pourtant, ces plantes vivrières constituent l’unique source alimentaire des paysans. (L’épine dorsale de l’alimentation familiale burundaise).
« Avec la situation actuelle, c’est la famine qui nous guette », lance un paysan rencontré à Mugomere, l’un des quartiers de la ville de Rumonge. « Comment notre gouvernement a laissé les gens planter les palmiers à huile sur presque tout le territoire à Rumonge ? Produire de l’huile de palme, c’est bon, mais nous les paysans, nous ne pouvons plus produire assez d’aliments pour nos familles. Il faut une bonne politique agricole dans la commune assurer un équilibre entre le palmier à huile et les cultures vivrières », ajoute-t-il.
La plupart de paysans de cette commune accordent une grande valeur au manioc. Or, ce dernier cohabite difficilement avec le palmier à huile. Un cas pas isolé, alors que le haricot est parmi les légumineuses les plus consommées au Burundi (aliment de base), ce n’est pas le cas pour les paysans de Rumonge. « Où peut-on trouver le haricot à manger tous les jours? », raconte Assoumpta, jeune paysanne de Gisagazuba. Le rendement du haricot est très faible, car une grande partie de la terre cultivable dans la région est occupée par les palmiers à huile.
Pourtant….
Cette commune serait le grenier des plantes vivrières grâce à sa fertilité. La grande partie des vallées au bord du Lac Tanganyika ou des grandes rivières comme Dama et Murembwe sont occupées des palmiers à huile. « Ces vallées sont tellement fertiles qu’elles donneraient une production élevée des cultures vivrières comme la banane, les haricots, le maïs, le manioc, la patate douce, les arachides, les légumes, etc. », témoigne un paysan de Birimba, agriculteur dans la vallée de Murembwe.
Aujourd’hui, les denrées alimentaires qui assurent la survie des paysans viennent des autres communes de cette province où le palmier à l’huile est peu développé ou dans d’autres provinces frontières comme Bururi et Makamba. « Les denrées alimentaires que nous vendons ici à Rumonge proviennent de Kabumburi, à Muyama (les deux marchés de la commune Buyengero dans la province de Rumonge) ou à Makamba dans la commune Nyanza-Lac » témoigne Jeanne, une vendeuse. Ces denrées sont donc très chères, car elles viennent de loin. Une situation qui fait souffrir les paysans à faible pouvoir d’achat.
Que faire?
Si la déforestation a été la conséquence primordiale de l’introduction du palmier à huile dans d’autres pays, au Burundi la famine n’est pas en reste. « Le palmier à huile est une culture miraculeuse, elle est bénie de Dieu. Un seul arbre peut enseigner un enfant de l’école primaire à la fin des études secondaires. Son seul défaut est qu’il provoque la famine », témoigne Jean, paysans de Muzinda. Un équilibre doit donc être trouvé pour éviter que les paysans ne continuent à payer les pots cassés.
Par Dieudonné Ndayizeye