Association pour la Diginité Paysanne, B.P. 2695 Bujumbura - Burundi, Tél : (+257) 22 25 93 38, E-mail : info@adip-burundi.org

Programme

Financement des exploitations familiales des ménages ruraux

Le livre « Pour la Dignité Paysanne » parle longuement sur « Le financement des exploitations et des coopératives agricoles » de la page 209 à la page 271.

 

En résumé, l’état actuel du financement du secteur agricole est alarmant. Les institutions de micro finance et des banques sont réticents à soutenir le secteur agricole. Tous ceux qui pavoisent qu’ils font du crédit agricole s’engouffrent pratiquement dans quelques niches mieux sécurisées. Il s’agit des activités spéculatives comme l’embouche, le warrantage, la commercialisation des intrants agricoles, les avances de campagne… La majorité de ces crédits sont d’ailleurs accordés aux commerçants et aux salariés, enseignants, infirmiers, policiers, travailleurs de grandes plantations ou d’industries rurales, etc. résidant en milieu rural qui, très souvent, pratiquent l’agriculture à côté de leur métier…

 

Ainsi, les exploitations familiales dispersées, de petite taille et à faible productivité détenues par des ménages pauvres n’attirent guère les systèmes financiers. Même les  petits crédits octroyés ne profitent qu’aux filières commerciales comme le café, le thé, le coton et le riz. Presque rien n’est laissé aux petits paysans qui font vivre la majorité de la population africaine et nous nourrissent tous.

 

Le livre nous expose plusieurs facteurs à l’origine de cette situation :

 

  • Les perceptions d’un risque élevé dans le secteur agricole, avec des rendements attendus inférieurs à ce que les institutions peuvent obtenir ailleurs. En effet l’agriculture africaine se trouve confrontée à de véritables défis qui limitent les opportunités économiques que les institutions financières voient dans le secteur : une faible productivité, des profils de risques covariants, des chaînes d’approvisionnement fragmentées, des infrastructures inappropriées et des politiques sous-optimales dans des domaines aussi variés que la sécurité alimentaire, le régime d’importation et le régime foncier.

 

  • La durée du crédit et les échéances de remboursement. Doit-on attendre par exemple sept ans pour commencer à rétrocéder un emprunt pour la mise en place d’une palmeraie ? Aucune institution financière ne le risquerait et même si elle pouvait le faire, le cumul des intérêts rendrait l’opération très peu rentable. Il en est de même des équipements agricoles pour lesquels on demande aux paysans à la fois de rembourser le crédit et d’amortir ce matériel. Autrement dit, ils doivent payer un montant équivalent à trois fois le prêt accordé, une première fois pour couvrir un intérêt de 20% (soit 100% en cinq ans), rembourser le principal et acheter un nouveau matériel au bout de cette période. Intenable sans des subventions, soit du crédit, soit du matériel comme c’est le cas dans les pays développés.

 

  • Certaines institutions de micro finance exigent que les paysans à la recherche d’un crédit obtiennent l’aval de ces salariés qui, souvent, se font rémunérer pour ce service.

 

  • des coûts élevés pour atteindre les clients dans les populations très dispersées et les problèmes dans le recouvrement du crédit.

 

  • Pour ne citer que ceux là

 

Malgré toutes ces contraintes, le paysan fait face à des besoins de financement si importants.

D’après Deogratias NIYONKURU, auteur du livre, les principales nécessités de financement des paysans ou de leurs coopératives sont les suivantes :

 

  • L’argent pour subvenir aux besoins de base pendant la période de soudure

 

  • Les intrants et la main d’œuvre agricole

 

  • Les activités spéculatives comme l’embouche, le warrantage, la commercialisation des intrants, le petit commerce, etc.

 

  • Les équipements agricoles de production, de stockage et de transformation

 

  • Les avances pour le fonctionnement des unités ou des coopératives de transformation et de commercialisation avant d’être payées ;

 

  • Le paiement des avances aux paysans dans des filières où la vente intervient tard après la livraison.

 

Ainsi des fois les paysans sont obligées à recourir à des usuriers

 

  • Banque Lambert, un terme qui désigne en Afrique les usuriers.

 

  • vente en détresse ou vente sur pied, ou encore « vente en boutons de fleurs » (selling in green leaves) dans laquelle le paysan brade sa récolte pour moins d’un tiers de sa valeur en vue d’obtenir du cash avant la période de récolte.

 

  • vente de la production juste au moment de la récolte quand les prix sont au plus bas,

 

  • des paysans forcés de vendre leur production à une unité de conditionnement ou de transformation. Les usines de thé, de café, de coton, de cacao, de riz, etc. ont souvent servi de courroie pour accorder le crédit aux paysans qui leur vendent la production, ou ont servi de caution aux banques et institutions de crédit en convention avec ces entités.

 

Différents outils ou modes de financement testés par des organisations de développement pour remédier à cette situation nous sont relatés en détail dans ce livre ainsi que leur mode de fonctionnement. Nous ne faisons que les citer dans les lignes suivantes :

 

  • La mise en place de crédits individuels au sein des organisations paysannes ou des structures d’appui

 

  • Le financement en nature et les chaines de solidarité

 

  • Les institutions de micro finance contrôlées par les organisations paysannes ou les organisations d’appui

 

  • Les fonds rotatifs et chaînes de solidarité

 

  • La contractualisation avec les institutions de micro finance privées

 

  • Les garanties bancaires

 

  • Le warrantage

 

  • Le financement des équipements par le leasing

 

  • Le capital-risque et les investisseurs d’impact

 

Pourtant, les nombreux mécanismes de financement agricole ne semblent pas apporter de réponse optimale au soutien des petites exploitations. Il s’avère dès lors très urgent de poursuivre la recherche de nouvelles formules de financement.

 

Pour l’auteur, un financement/ mécanisme innovant pour petits agriculteurs doit permettre de :

 

  • Soustraire les ressources rares de la consommation immédiate,

 

  • Réaliser une activité véritablement rentable et dotée d’un marché porteur,

 

  • Prévenir les risques et catastrophes qui peuvent entraîner la paupérisation irréversible,

 

  • Etre doté d’un taux d’intérêt le plus faible possible

 

  • Retenir et faire circuler l’argent dans la communauté

 

Il propose à cet effet cinq mécanismes complémentaires pour développer les exploitations agricoles :

 

  • Mobiliser les ressources endogènes à travers des tontines orientées vers des projets et des fonds pérennes intrants ;

 

  • Développer des activités rentables, au départ peu consommatrices de moyens qui deviennent le moteur du développement local ;

 

  • Instaurer des mécanismes de « crowdfinancing » et investir dans des activités de plus grande envergure au village ;

 

  • Développer des processus pour maintenir l’argent au village ;

 

  • Mettre en place et/ou consolider des instruments de solidarité tous azimuts pour atténuer les effets des risques et catastrophes.

 

Dans le but de mettre en œuvre les différentes idées du livre sur le financement des ménages, ADIP à travers son projet RAFIDESTIM (Recherche des alternatives de financement innovant et de développement des exploitations familiales par la stimulation mutuelle, se propose de tester quelques modes de financement des exploitations familiales :

 

  • Un mode de financement couplant les mobilisations internes à travers des groupements de stimulation mutuelle « GSM » avec des financements externes permettant en même temps aux paysans d’accéder à un crédit plus élevé et de servir en même temps un plus grand nombre de  Cette recherche porte sur deux types de tontine : La tontine rotative et la tontine accumulative. Conscients en outre  que les réponses au système dépendent également de la situation financière de départ, ADIP tente de tester les systèmes par catégorie. Deux catégories dont celui des pauvres et celle des moins pauvres sont constituées, ADIP ne travaillant ni avec les vulnérables ni avec les plus aisés.

 

  • Parallèlement, un autre mode de financement « le micro fond d’investissement » dans lequel, un paysan obligatoirement membre d’un groupement de stimulation mutuelle, et donc en train d’épargner et de constituer progressivement son fond pérenne intrant Co investit avec ADIP dans une activité spéculative qui lui permettra de financer la suite.

 

  • A côté des fonds destinés au soutien des exploitations agricoles, le RAFIDESTIM développe en parallèle un fonds d’appui aux initiatives entrepreneuriales de préférence non agricole, un fonds de solidarité, ainsi qu’un fonds d’appui à l’atténuation/adaptation aux changements climatiques et un fonds rotatif pour l’amélioration de la qualité de vie

 

Les modèles tel que conçus intègrent la soustraction des fonds de développement aux besoins immédiats du  ménage, le développement d’activités entrepreneuriales, la constitution progressive d’un fond pérenne intrant, la solidarité, la sécurité sociale, et conduisent ainsi vers la dignité paysanne.