Le prix des semences de maïs à Kayanza a littéralement explosé compromettant les préparatifs agricoles de nombreux ménages paysans ! Un kilo de PAN 53 coûte désormais 25 000 Fbu sur le marché. Cette situation menace la capacité de nombreux petits producteurs agricoles et soulève des risques de famine et de monopole par des commerçants. Des propositions émergent du terrain, appelant à des solutions urgentes, durables et centrées sur la dignité paysanne.
Dans la province de Butanyerera, en commune Muruta, l’un des bastions de la culture du maïs au Burundi. À l’approche de la saison A 2026, un vent d’inquiétude souffle sur les collines agricoles : les prix des semences de maïs ont atteint des niveaux historiques, rendant leur accès quasi impossible pour une grande majorité de petits producteurs.
Selon les témoignages recueillis, un sachet de semences PAN 53 de 2 kg s’échange aujourd’hui à 50 000 Fbu, soit 25 000 FBu/kg, tandis que les semences de type Bazooka atteignent 20 000 Fbu/kg sur les marchés locaux. Pourtant, le prix officiel fixé par l’État burundais pour ces variétés hybrides est de 4 200 FBu/kg, ce qui représente une différence de plus de 500 %.
Cette situation crée une pression considérable sur les ménages ruraux, dont les revenus agricoles sont généralement faibles et instables. La question qui se pose désormais, avec insistance, est la suivante : comment les producteurs vont-ils faire face à ces prix déconnectés de leur pouvoir d’achat, alors que la campagne agricole est imminente ?
Une dynamique de prix inquiétante : flambée semencière contre chute des prix de vente
L’analyse de l’évolution des prix ces deux dernières années permet de mieux saisir l’ampleur de la crise :
Période | Prix PAN 53(Kg) |
Juin 2024 | 15 000 FBU |
Déc. 2024 (prix plafond officiel) | 4 200 FBU) |
Janv. 2025 (début saison A) | 30 000 FBU |
Juin 2025 (Constaté sur terrain ) | 25 000 FBU |
Pendant ce temps, le maïs récolté se vend difficilement entre 1 000 et 1 300 FBu/kg sur les marchés locaux, ou 1 700 FBu/kg lorsque l’ANAGESSA intervient.
Autrement dit, un producteur devrait vendre entre 14 à 25 kg de maïs pour pouvoir s’acheter un seul kilogramme de semences. Ce ratio est économiquement intenable.
Frustrations sur terrain et perceptions d’injustice
Dans ce contexte, les producteurs expriment à la fois leur désarroi et leur colère. Sévérin Bitakara, cultivateur sur la colline Musave, dénonce un système biaisé :
« Le prix de 4 200 FBu est théorique. En réalité, ce sont les commerçants qui achètent à ce tarif préférentiel, pour revendre à des prix inaccessibles.».
Il craint que, si l’État ne prend pas ses responsabilités rapidement, certains commerçants ne monopolisent même les terres en les louant pour cultiver eux-mêmes, excluant encore davantage les paysans traditionnels. Il évoque un risque de famine, si les semences ne sont plus accessibles aux producteurs.
Une proposition de solution endogène
Mais au-delà de la plainte, ce producteur émet une proposition constructive :
« Que l’État nous distribue les semences à crédit, et que nous les remboursions après récolte, en nature, avec une petite majoration. Cela nous aiderait à rester actifs et à contribuer à la vision d’un Burundi émergent en 2040. »
Cette idée rejoint les principes des banques de semences communautaires ou du fonds rotatif semencier, qui ont fait leurs preuves dans d'autres contextes ruraux d’Afrique de l’Est. Ce mécanisme permettrait à l’État ou aux collectivités locales de garder le contrôle sur les semences stratégiques tout en maintenant un filet de sécurité pour les producteurs.
La réponse institutionnelle reste faible et désorganisée
Du côté des autorités, des efforts existent, mais restent limités. Isidore Niyonzima, agronome zonal de Muruta, affirme avoir distribué des semences PAN 53 à 4 200 FBu/kg aux producteurs de marais de Ruvubu, le 25 juin 2025. Toutefois, il admet que ces semences sont déjà revendues à 25 000 FBu/kg par les commerçants sur les marchés, ce qui suggère une faille de traçabilité et de contrôle dans la chaîne de distribution.
Ce cas illustre un déséquilibre criant entre la politique de subvention étatique et sa mise en œuvre sur le terrain. En l’absence de contrôles efficaces et de suivi des bénéficiaires, les semences subventionnées peuvent être captées par les plus puissants ou les mieux informés, au détriment des plus pauvres.
Vers une réforme structurelle du système semencier
Cette crise ne devrait pas être traitée comme un événement ponctuel mais comme le symptôme d’un système semencier déséquilibré et vulnérable à la spéculation. Pour y faire face durablement, plusieurs pistes s’imposent :
Une équation économique intenable pour les paysans
Ce que révèle la situation actuelle à Muruta, c’est bien plus qu’un simple problème de prix. C’est une rupture entre les politiques agricoles officielles et la réalité paysanne. Une rupture qui, si elle n’est pas résolue, risque de réduire le nombre de producteurs actifs, d’encourager la spéculation foncière, et d’accroître la dépendance alimentaire du pays.
En écoutant les propositions du terrain, en agissant vite et en s'appuyant sur les expériences régionales de succès, il est possible de transformer cette crise en opportunité de réforme.
Le défi est grand, mais l’enjeu l’est encore plus : garantir la souveraineté alimentaire et la dignité paysanne dans un Burundi qui se veut émergent.