Certains caféiculteurs burundais sont mécontents de la récente décision de l'État. Le paiement du café cerise par comptes bancaires ou via Lumicash et Ecocash, présenté comme un gage de transparence, se révèle pour eux une lourde contrainte : Entre frais de déplacement vers les banques, coûts d'ouverture et de tenue de comptes, l'achat de téléphones, les charges s’accumulent au point de rendre la mesure difficilement supportable par les agriculteurs. Pour ces producteurs, la situation devient quasi-insoutenable.
D'un côté, cette décision constitue une meilleure solution puisqu’elle vise à prévenir les détournements de fonds dans les centres de collecte de café mais de l'autre, elle représente un véritable défi pour les caféiculteurs modestes.
Philippe Sabuwanka, âgé de 78 ans, habitant de la colline Musave à Kayanza possède 250 caféiers. Selon lui, le payement via les banques, Lumicash et Ecocash pourrait être bénéfique. Il demande à l'État de maintenir le paiement via Lumicash affirmant qu’à la station "Gahahe en zone et commune Kayanza", ce système fonctionne déjà correctement et pourrait s’étendre à l’ensemble du pays.
Cependant, un autre caféiculteur, du village de Mudusi à Matongo, concernée aussi par cette politique de paiement par compte ou par téléphone, a un avis différent. Pour ceux qui n’ont que quelques caféiers, (entre 1 et 50 par exemple), ouvrir un compte devient une charge disproportionnée par rapport au revenu attendu.
Elle explique qu'il est difficile pour eux de s’acheter un téléphone. Elle rappelle aussi que le trajet aller-retour jusqu'à Kayanza, où se trouve la microfinance, coûte plus de 15 000 Fbu et qu’il faut au moins 12 000 Fbu pour l’ouverture d’un compte et 15 000 Fbu supplémentaires pour le carnet de chèques. Sans parler du coût d’un téléphone basique pour utiliser Lumicash ou Ecocash : environ 80 000 Fbu, soit l’équivalent de 28,5 kilos de café cerise. Mais alors, certains producteurs modestes n’en récoltent que 30 kg par saison. Beaucoup d’agriculteurs préfèrent donc renoncer, jugeant que les frais dépensés dépassent leurs recettes.
Qu’en disent certains responsables des centres de collecte de café ?
Les responsables des centres de collecte eux même reconnaissent les difficultés. L’un affirme le 13 juillet 2025 que la mesure est arrivée trop brutalement. Les centres de collecte utilisent déjà des tablettes pour envoyer des données à l’ODECA mais des problèmes sont apparus. Les informations transmises au serveur central ne correspondent pas toujours à la réalité de terrain. Le système serait d’abord testé pour quelques centres. Conséquence : aucun caféiculteur n’a été payé jusqu’à présent alors que pour les années précédentes, les seconds paiements se faisaient au mois de juillet, août.
Le contexte réel à savoir !
Cette année pourtant, le prix du kilo de café cerise a doublé, passant de 1 380 à 2 800 Fbu par kilo, comme annoncé par le Ministre de l’environnement de l’Agriculture et de l’Elevage lors du conseil des ministres, réuni le 7 mai 2025.[1] Mais pour les producteurs, la joie de cette augmentation est ternie par l’incertitude des paiements. Certains sont déjà découragés de continuer à entretenir le café, disant que l’effort fourni dans l'entretien du café n’est pas compatible à l’argent gagné. D’ailleurs, la plupart des caféiculteurs sont des vieux, des personnes plus âgées, moins des jeunes s’investissent dans la culture du café. Ce qui signifie que, la culture du café évoluera en disparition dans les années à venir.
Et pour ces paiements, beaucoup se demandent : ouvrir un compte juste pour un versement annuel, est-ce viable ? Les frais de tenue de compte s’accumulent, même si le compte n’est pas alimenté.
C’est quoi le blocage de paiement au juste ?
Certains estiment que la bancarisation n'est pas la vraie cause du retard de paiement. Un membre de la coopérative Shirimberikawa à Nyamurenza souligne qu’un grand nombre de producteurs ont déjà ouvert leurs comptes. Pourtant, lorsqu'ils interrogent le responsable de l'usine, la réponse est toujours la même : « L'État n'a pas encore autorisé les paiements. ».
Les caféiculteurs réclament une solution rapide. Ils estiment qu’il ne faut pas bloquer les paiements des producteurs en ordre sous prétexte que d’autres n’ont pas encore ouvert de compte. Car si l’on attend que 100 % des caféiculteurs ouvrent les comptes bancaires, les paiements risquent de rester suspendus indéfiniment.
Quelles pistes de solutions ?
[1] Burundi Eco – La hausse du prix du café réussira-t-elle à ressusciter cette culture ?