Parmi les défis auxquels les paysans de la commune Tangara font face, il y a la vente précoce des récoltes sur pied avant maturité. Une situation qui ne manque pas de conséquence pour les familles et qui ne fait qu’enfoncer les paysans dans la pauvreté.
C’est une promenade qui me mène à Mashitsi, dans la zone Nyagatovu, commune Tangara. L’idée principale est de discuter avec les paysans. Mais, c’est aussi un prétexte pour passer un week-end à la campagne. L’atmosphère reflète une population très active. Certains se rendent au marché, transportant des paniers remplis d’avocats, de patates douces, de bananes mûres et de haricots. D’autres vont dans les champs.
Tout à coup, par surprise, je tombe sur une femme, avec un bébé au dos, la houe sur l’épaule, accompagnée de son mari qui se dirige au champ. En route, une discussion s’engage. Après 20 minutes parlant de tout et de rien, on aborde le sujet sur les défis auxquels les paysans de cette commune font face. « Nous travaillons dur, nous suons beaucoup, mais à la fin, nous nous rendons compte qu’on est incapable de subvenir à nos besoins. L’argent que nous gagnons est minime. Parfois, nous sommes obligés de faire recours à la vente précoce des récoltes sur pied pour subvenir à nos besoins et c’est l’acheteur qui va récolter notre champ. Malheureusement, on se retrouve dépourvu de quoi manger » raconte le mari, l’air triste.
Une triste réalité.
Continuant ma route, je constate que dans la commune Tangara, cette pratique est très fréquente. Pour preuve et ce n’est qu’un exemple, ici et là, dans les champs, on contemple des bananeraies avec des marques d’identification (des bananiers enroulés de petites cordes). Un indice infaillible que même un aveugle aurait du mal à confondre.
Le malheur des uns fait le bonheur des autres, des commerçants et d’autres personnes riches profitent de la pauvreté de ces paysans en achetant à vil prix leurs cultures non encore mature et les revendent, par après, à des prix exorbitants. « J’avais besoin de l’argent pour subvenir à mes besoins familiaux. J’ai donc accepté de vendre une partie de mes récoltes sur pied pour continuer à vivre » a déclaré Macumi, agriculteur. « Néanmoins, les commerçants nous donnent la moitié des prix du marché, mais on n’a pas de choix umukene yikenuza ico ahambije », ajoute-t-il.
Tout cela sans que l’agriculteur ne sache le montant global des dépenses engagées sur cette culture du semis à la récolte. Pourtant, aux termes du Code pénal du Burundi, l’article 299 prévoit une lourde sanction pour ces pratiques : ‘’Est puni d’une servitude pénale de trois mois à deux ans et d’une amende de dix mille francs à cinquante mille francs ou d’une de ces peines seulement, celui qui, abusant des faiblesses, des passions, des besoins ou de l’ignorance du débiteur, se fait, en raison d’une opération de crédit, d’un contrat de prêt ou de tout autre contrat indiquant une remise de valeur mobilière, quelle que soit la forme apparente du contrat, promettre pour lui-même ou pour autrui un intérêt ou d’autres avantages excédant manifestement l’intérêt normal ‘’. Malheureusement, la situation ne change guerre.
Les Tontines : une piste de solution ?
Pour décourager ce système, les tontines s’offrent comme une voie de sortie privilégiée. « Avant, je pratiquais la vente précoce des récoltes sur pied avant maturité, mais actuellement quand j’ai intégré le SILC tout a changé. J’ai bénéficié d’une initiation à l’épargne. L’épargne m’a servi à résoudre les différents problèmes d’ordre socio-économiques, comme le payement des frais de scolarité des enfants, les soins de santé, l’achat des semences, etc. Aussi, j’ai bénéficié d’un crédit pour acheter un porc qui a mis bas huit porcins. Ils seront vendus pour acheter une vache » témoigne Léon. Un bel exemple que d’autres paysans de la localité devraient suivre.
Par Lionel Jospin Mugisha