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Quand les Batwa de Gahombo trinquent la poterie contre l’agriculture

Publié : Lundi 4 mars 2024 08:14
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Les Batwa, gardiens des traditions et artisans inégalés, ont longtemps été les maîtres incontestés de la fabrication des pots. Mais aujourd'hui, un vent de changement souffle et ils doivent investir non sans audace le métier de leurs voisins, l’agriculture. Découvrons ensemble comment les Batwa de Kayanza cherchent à se réapproprier leur avenir, en embrassant l’agriculture comme un moyen d’émancipation et de prospérité.  

 

Les familles des Batwa habitant sur la colline Taba dans la commune Gahombo de la province Kayanza, se retrouvent face à une réalité déconcertante. Autrefois maîtres de leur destin, avec leur métier de potiers  qui assurait  leur  subsistance, ils sont désormais frappés par son déclin inéluctable, les privant ainsi de tout moyen de survie.  Désarmés face à cette triste conclusion, ils implorent humblement le soutien pour l'acquisition de houes, qui leur permettraient de se tourner vers l'agriculture et de se recréer une meilleure existence. 

Ils expliquent avec détermination en ce 2 mars 2024 que, avec ces houes, ils vont cultiver dans les champs. A défaut de manque de propriétés propres, ils acceptent humblement, de se mettre au service des plus fortunés, devenant ainsi des journaliers agricoles.  Parmi ces résilients, Suzanne Minani, une veuve de cette communauté âgée de 57 ans, porte la voix de ses pairs. Avec une nostalgie teintée d'émotions, elle explique qu’il n’y a pas longtemps, les produits de leur art ancestral s’échangeaient contre de précieux produits alimentaires.  C’était pour eux un troc avantageux d’échange des pots contre haricots, riz, colocases, sorgho et d’autres... La mesure était de remplir le pot avec les produits alimentaires échangés.   

Selon Suzane, aujourd’hui, les Batwa rencontrent des difficultés à trouver des acheteurs pour leurs pots, car les casseroles sont désormais privilégiées en raison de leur meilleure durabilité. Malheureusement, les Batwa ne disposent pas de techniques pour fabriquer des pots qui puissent concurrencer les casseroles. 

Elle ajoute que même lorsqu'ils parviennent à trouver un acheteur pour leurs pots, ces derniers ne sont échangés qu'en contrepartie d'une modeste quantité de maïs, souvent inférieure à 1 kg. Et pourtant, la fabrication des pots exige des ressources et du temps, tels que la recherche d'argile. 

 

Quelle est la situation des Twa des autres communes ?

 

Emmanuela Ndereyimana, une femme Twa de 3 enfants de la colline Gahahe en commune Kayanza s’exprime en ces termes : « Depuis que nous avons constaté que le métier de la poterie ne peut plus faire vivre nos familles, nous avons décidé d’acheter des houes et nous lancer dans l’agriculture et l’élevage des porcs. Aujourd’hui, au lieu d’échanger des pots contre une quantité insignifiante de produits alimentaires, je vends, comme les autres, au moins 100 kg de maïs récoltés à chaque saison. De surcroît, je dispose de deux porcs qui apportent leur contribution à la fertilisation de mon champ.». Ernest Minani, un Mutwa qui représente 10 ménages de Batwa sur la colline Gahahe, affirme que le métier de fabrication de pots ne peut plus subvenir aux besoins des familles Batwa.

Il encourage ses compagnons à adopter le métier d’agri-éleveur afin de ne pas être laissé pour compte sur le plan du développement. Il est temps dit-il de quitter une vie misérable pour un avenir florissant. L'exemple d'Emmanuela Ndereyimana devrait servir d'inspiration pour les autres Batwa. 

 

Néanmoins la question de la terre, déjà insuffisante restera l’épine dorsale qu’il sera difficile d’enlever. Et dire qu’ils sont les Basangwabutaka, seuls propriétaires attitrés de toutes les terres du Burundi.

Les temps urgents. La question devra et très bientôt trouver une issue et sinon le vol dans les champs deviendra légitime…