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Élevage de lapins au Burundi, un atout pour le développement, mais au profit des plus fortunés !

Publié : Vendredi 17 janvier 2025 10:19
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Le Burundi, à l’instar de nombreux pays africains, a identifié l’élevage comme un levier essentiel pour son développement rural. Parmi les initiatives récentes, la politique gouvernementale visant à promouvoir l’élevage de lapins, notamment à travers le programme « cinq lapins par ménage », a suscité un grand enthousiasme (https://www.jimberemag.org/politique-elevage-lapins-burundi-adhesion-defis/). 

 

Cependant, malgré les efforts déployés, cette politique présente aujourd'hui des axes d'amélioration essentiels pour renforcer sa pérennité et maximiser son impact. Certains défis, déjà anticipés (https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231027-burundi-comment-le-pr%C3%A9sident-mise-sur-l-%C3%A9levage-de-lapins-pour-sortir-son-pays-de-l-extr%C3%AAme-pauvret%C3%A9), méritent une attention particulière afin d'y apporter des ajustements stratégiques et garantir des résultats plus durables. 

Cet article vise à alerter sur quelques défis rencontrés et à proposer des pistes constructives pour améliorer cette initiative, en collaboration avec le gouvernement, les ONG, les services publics et autres parties prenantes.

 

Contexte et objectifs de la politique d’élevage de lapins

 

Lancée en 2022, la politique de promotion de l’élevage de lapins au Burundi avait pour objectif de renforcer la sécurité alimentaire, d’améliorer les revenus des ménages ruraux et de diversifier les sources de protéines animales. Cette initiative s’inscrivait dans une vision plus large de développement rural, soutenue par des campagnes de sensibilisation et des distributions massives de lapins aux ménages. 

Cependant, malgré ces efforts, les résultats sur le terrain sont mitigés. Les petits éleveurs, cibles prioritaires de cette politique, rencontrent d’importantes difficultés qui les poussent à abandonner progressivement cette activité, au profit des ménages plus aisés. Ce phénomène menace non seulement l’équité de la politique, mais aussi son efficacité globale.

 

Les défis rencontrés par les petits éleveurs

 

Plusieurs facteurs expliquent les difficultés auxquelles font face les petits éleveurs de lapins au Burundi 

  • Les lapins nécessitent un suivi technique rigoureux, ce qui représente un défi pour les éleveurs non formés, de nombreux éleveurs ont reçu des lapins sans accompagnement adéquat, entraînant des taux élevés de mortalité.
  • Certains petits éleveurs n’y sont pas arrivés, tandis que d’autres élèvent et distribuent dans les ménages voisins sous des conditions de partage. Cette situation fait que les moins entreprenants et les moins riches deviennent les "gardiens" des éleveurs plus fortunés, phénomène observé également dans l’élevage des bovins.
  • Pour l’élevage en général les coûts liés à l’alimentation et aux soins vétérinaires sont élevés et en constante augmentation. Par exemple, le prix de tourteaux est passé de 600 à 2 000 FBU en une seule année, qu’il est difficile de dégager des marges bénéficiaires. Ici, il est important de souligner la nécessité de développer un programme de financement du petit paysan. En effet, des jeunes qui ont eu accès au financement de PAEEJ, ont en effet pu s’en sortir (Zoom sur quelques projets financés par PAEEJ dans les localités les plus éloignées du Burundi - PAEEJ : PAEEJ Technopole). 

Conséquences sur le développement rural

 

  • La baisse du nombre de petits éleveurs entraîne une réduction de la production de viande, faisant grimper les prix.
  • Les profits vont principalement aux ménages aisés, exacerbant les inégalités.
  •  L’abandon progressif de l’élevage risque de saper la confiance des populations.
  •  Ici et là, des entrepreneurs (pas toujours des paysans) prétendent avoir réussi et deviennent des objets de visites d’échange. Il est important de vérifier leur réelle rentabilité et d’éviter que la simple visibilité grâce à des financements mobilisés ne masque les défis fondamentaux à relever.

 

Pistes de solutions pour une politique plus inclusive et durable

 

  • Former et accompagner les éleveurs via des visites régulières.
  • Mettre en place des dispositifs de microcrédit et des subventions ciblées.
  • Privilégier des lapins mieux adaptés aux conditions locales.
  • Renforcer les campagnes de sensibilisation.
  • Développer des circuits de commercialisation.
  • Mettre en place un cadre de formation pour les éleveurs moins entreprenants, en s’assurant que les modèles promus sont véritablement rentables.